Yves Duteil

Publié le par Faidit

   

 Comme dans les dessins de Folon

 Les mots qu'on n'a pas dits

   

Comme dans les dessins de Folon
Ceux qu'on aimait quittent la Terre
Le corps lourd et l'âme légère
Un peu plus graves à l'horizon


Dans leur pardessus de béton
Ceux qu'on aimait nagent en silence
Dans le temps sage de l'absence
Comme dans les dessins de Folon


On pourrait presque les toucher
De l'autre côté du papier
Fantômes gris des jours de peine
En long cortège de semaines


A rêver loin dans leur lumière
On pourrait presque enfin se taire


Comme dans les dessins de Folon
Il y a du rose et du vert pâle
Et des souvenirs bleu d'opale
Dans un champ vide de coton


Comme des bulles de savon
Prisonniers de la transparence
Ceux qu'on aimait doucement dansent
Comme dans les dessins de Folon


On pourrait presque s'envoler
Dans la lenteur de leur passé
Frôler d'un long battement d'ailes
L'exil sans fin qui les appelle


A rêver loin dans leur mystère
On pourrait presque enfin se perdre


Comme dans les dessins de Folon
Ceux qu'on aimait nagent à l'envers
Oiseaux de l'eau, poissons de l'air
Perdent le fil de nos saisons


Dans la brume de leur prison
Ceux qu'on aimait toujours s'effacent
Derrière les voiles de l'espace
Comme dans les dessins de Folon


Un jour on voudra leur parler
De l'autre côté du papier
On rêvera d'aubes plus pâles
D'éternité couleur d'opale


Un jour on se laissera faire
On glissera dans leur lumière


Comme dans les dessins de Folon...

Dans le fond des tiroirs y a des chansons qui dorment
Et des mots que jamais on n'a dits à personne
Qui auraient pu changer le cours d'une existence
Mais qui ont préféré rester dans le silence


Des phrases emprisonnées dans des yeux qui s'appellent
Et que pas un baiser ne referme ou ne scelle
Jamais tous ces mots-là ne sombrent dans l'oubli
Ils se changent en regrets, en souvenirs transis


Mais les cendres du feu des mots qu'on n'a pas dits
Jamais ne sont vraiment éteintes ou refroidies
Elles se consument encore au cœur de nos mémoires
En réchauffant nos nuits d'une lueur d'espoir


Comme du temps qui dort
Au fond du sablier
Mais que l'on garde encore
Pour ne pas l'oublier


La nuit dans les miroirs y a des mots qui s'allument
Et qui refont parfois la gloire ou la fortune
Avec tous les regards qu'on n'a pas su saisir
Et les amours fanées qui semblent refleurir


Alors dans les miroirs y a des mots qui résonnent
Comme un destin tout neuf qui ne sert à personne
Et l'on caresse encore les espoirs de bonheurs
Qui ressemblent aux prénoms que l'on connaît par cœur


Aux lettres enrubannées que l'on n'a pas reçues
Mais qu'on relit cent fois pourtant la nuit venue
A tous ces mots d'amour restés dans l'encrier
Mais qu'on n'a plus personne à qui pouvoir crier


Dans le fond des tiroirs y a des larmes qui sèchent
Un portrait du passé qui s'écorne ou s'ébrèche
Et la vie doucement referme de ses plis
Ces chemins qui s'ouvraient mais qu'on n'a pas suivis.

Yves Duteil Langue de chez nous repaireAlbum "La langue de chez nous" - 1985.

Publié dans Pollen

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N
Coucou papa<br /> Ton blog est très bien !!!!!<br /> Bravo.
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